"Le voyage interrompu" Article par Robert Moran juillet 1989 dans "Technique des Arts" : "Le voyage interrompu" - 1983. 80 Figure et 14 ans de travail... «Ma peinture est faite de matière accumulée au fil des ans». Jean-François Deluol, neveu d'André Deluol, sculpteur spécialiste de la taille directe, est un grand admirateur de Véronèse, Titien, Derain et De Chirico qu'il a d'ailleurs rencontré, en 1966, dans son atelier romain. Il lui doit une part de son inspiration dans ce tableau, intitulé "Le voyage interrompu", terminé en 1983, en hommage au scientifique franco-américain Jacques Vallée. Un thème "cosmique"... Jean François Deluol explique que le thème central de ses oeuvres traite, le plus souvent, de la « mythologie cosmique » et « fait référence aux phénomènes de l'inconscient collectif ». A partir d'une même trame, « mythe et réalité des extra-terrestres », son projet pictural peut être développé en se basant sur des réalisations collectives, issues d'ateliers d'enfants ou d'adultes par exemple. « Voyage interrompu » est à la fois un hommage au maître italien De Chirico (le Duo) et au chercheur français Jacques Vallée astrophysicien vivant aux USA, ou il dirige, à la Silicon Valley, un important projet informatique. Le scientifique de renommée internationale, a inspiré à Spielberg le personnage du chercheur français, incarné par François Truffaut dans le film « Rencontres du troisième type » J.Vallée a écrit de nombreux ouvrages consacrés aux phénomènes spatiaux et aux « rencontres insolites » « Voyage interrompu » fait référence à un des grands classiques des rencontres rapprochées puisque, reprenant le titre d'un ouvrage de John Fuller, il est consacré à la « rencontre » faite par Betty et Barney Hill, aux Etats-Unis, et racontée par eux sous hypnose : ceci se passait en septembre 1961, dans le New Hampshire. L'intimité de l'atelier... Jean- François Deluol raconte : « Je peins dans un petit « atelier », encombré d'un véritable bric-à-brac. Là, j'ai réuni tout ce qui concerne les arts que j'affectionne : poésie, peinture, musique. On peut même écouter d'anciens disques 78 tours, rares et précieux ! Je pense ne pouvoir vivre sans écouter Bach ou Mozart ! Je n'ai pas de chevalet pour peindre, j'utilise une vieille chaise de jardin et une petite mallette dans laquelle je mets mes tubes et mes pinceaux au fur et à mesure de l'exécution. Je peins le plus souvent au pinceau mais je n'exclue pas le couteau à palette (avec lequel je racle la matière d'ailleurs) et aussi avec les doigts, dans des moments intenses de création, avec une sorte d'urgence et de précipitation. Le mélange des couleurs sur la toile... Je peins « proprement », utilisant à la manière des fauves, des tons purs qui sont, par la suite , mélangés sur la toile et j'utilise donc des médiums. J'ai d'ailleurs en partie peint cette toile à partir de médiums, fabriqués par moi, sur les conseils de De Chirico et notamment avec un vernis à la litharge. Ce vernis à peindre est véritablement « cuisiné » ! J'utilisais alors une petite marmite et j'y faisais fondre du lin pur et de l'oxyde de plomb : j'avais vraiment l'impression extraordinaire, magique, d'être hors du temps ! Ce mélange est pénible à réaliser et oblige à se protéger des émanations nauséabondes et dangereuses ! Précisons que j'utilise, aujourd'hui des médiums à peindre du commerce. Tous mes supports sont retravaillés au blanc d'argent, mélangé au siccatif de courtrai, blanc et allongé de térébenthine. Sur ce fond clair, j'attaque l'ensemble de la surface avec une légère couche de véronèse qui, pour la partie inférieure du tableau, sera doublée d'une couche d'ocre jaune et de terre de sienne brûlée. Je peins essentiellement au pinceau en poils de martre et au moyen de couleurs extra fines pour artistes. Mes toiles sont le plus souvent, réalisées à partir de dessins et de croquis relevés, l'été , au bord de la mer . Mes modèles se dorent au soleil et lorsqu'ils sortent de leur torpeur et cherchent à voir ce que je réalise, ils sont très étonnés car le plus souvent, ils se retrouvent dans un paysage de montagnes, échoués là, tels des robots venus d'une autre planète et qui auraient fait naufrage... 14 ans de stratifications... Je peins relativement vite certaines toiles. Au contraire, « le voyage » m'a entraîné véritablement dans une autre dimension et dans un autre temps ! Pendant presque quatorze ans ! Peinte et repeinte, cette toile est un véritable bloc de matière que je touche avec délectation ! Sur cette toile de lin épaisse, de format 80 F, qui a été abandonnée, reprise, maçonnée au couteau, au doigt, au pinceau, ma palette ressemble à de la lave multicolore totalement baroque, elle est faite de matière accumulée et séchée au fil des ans... |
Un autre article par Jean Monneret, président de la Fédération des Salons Historiques du Grand Palais : Il y a des rencontres qui vous déterminent. En 1966, Jean-François Deluol rencontrait à Rome Giorgio de Chirico, l'admirateur de Nietzsche qui retint de ses séjours à Milan et Turin certains aspects « fantomatiques ». Impressionné comme de juste par sa série dite des « Arcades », des « mannequins » et des « intérieurs métaphysiques », ce disciple de la Drôme se lance alors dans une série de peintures travaillées à l'ancienne explorant les « mythes et réalités des extra-terrestres » (l'humanoïde à l'oeil de Cyclope et aux cheveux rouges de Gorgone, huile avec médium, collection particulière, Etats-Unis). Sans oublier les dessins classiques (nus, portraits) qui gardent une note fantastique. Jean MONNERET |